Extrait :
Ici, parmi les maisons, les places, les routes pleines
d’infamies, de la ville où domine
désormais ce nouvel esprit qui offense
l’âme à chaque instant, – avec les dômes,
les églises, les monuments muets dans le mésusage
angoissé qui est l’usage des hommes
qui ne croient pas – je me refuse
dorénavant à vivre. Il n’y a plus rien
en dehors de la nature – où du reste n’est répandu
que le charme de la mort – rien
de ce monde humain que je puisse aimer.
Tout me fait souffrir : ces gens
qui suivent tête baissée le moindre appel
que leurs patrons veulent leur adresser,
adoptant, sans prêter garde, les plus infâmes
habitudes de victime désignée ;
le gris de leurs habits sur les routes grises ;
et leurs gestes gris où semble imprimée
la complicité muette du mal qui les envahit ;
leur fourmillement autour d’un bien-être
illusoire, comme un troupeau autour de trop peu de fourrage ;
leur régularité de houle, qui fait alterner
cohues et déserts dans les rues,
dans une série de flux et de reflux obsessionnels
et anonymes de nécessité rances ;
leurs agglutinements aux bars sombres, dans les cinémas lugubres,
le coeur lugubrement résigné à la banalité…
Archives de catégorie : Bouquins
La mémoire des vaincus
Un livre qui remet les choses en place. Un livre indispensable, pour qui veut comprendre l’Histoire de la première moitié du vingtième siècle du point de vue prolétarien et libertaire. On suit la vie d’un personnage fictif, Fred Barthélémy, de la bande à Bonnot à la seconde guerre mondiale, en passant par deux évènements incontournables: la révolution russe de 1917 et la guerre d’Espagne. Le récit est captivant et lucide. Les rejets du bolchévisme, de l’opportunisme, de l’autorité et de la bureaucratie sont très bien amenées. Des masques de personnages illustres tombent et, place est faite aux combattants oubliés de l’Histoire. La liberté est le fil conducteur, et elle n’est pas négociable.
« Eux que l’on qualifiait d’irréalistes savaient que le plus difficile n’est pas de décider une grève, mais de préparer ce que l’on accomplira après, une fois l’enthousiasme retombé, une fois les minimes augmentations de salaire obtenues, lorsque la laideur de l’usine et la monotonie du travail à la chaîne réengourdiraient les esprits. C’est à ce moment-là qu’on devait agir, prendre la balle au bond et la lancer plus loin, le plus loin possible, vers le plus de devenir. »
Ce livre soulève plusieurs points importants, que nous discutons au GARAP :
- la question de l’organisation révolutionnaire du prolétariat (voir https://garap.org/annexe/presentation.php)
- la transmission de la mémoire prolétarienne pour éviter de répéter les erreurs du passé (voir https://garap.org/communiques/communique02.php)
- la peur de la liberté (voir https://garap.org/communiques/communique29.php et https://garap.org/communiques/communique63.php)
Michel Ragon – « La mémoire des vaincus » – 1990
Les derniers bouquins que j’ai lu (4)
Un peu de Jack London, ça fait toujours du bien. Grève Générale compile deux nouvelles : « Le rêve de Debs » et « Au sud de la Fente ». Style incisif et appel à l’insurrection. Ça donne un peu de baume au cœur de lire des bouquins comme ça.
Le Mexicain, de Jack encore, raconte l’histoire d’un homme mystérieux mais déterminé. Déterminé à mener à bien la révolution mexicaine grâce à son abnégation. Le genre d’individu qu’on ne croise plus de nos jours.
La peste écarlate est un roman d’anticipation. Après une étrange pandémie, les survivants doivent apprendre à reconstruire la société. Toujours passionnant.
Une BD sombre et triste, bien faite et bien écrite. L’histoire de la Turquie des années 60 dans une région frontalière de l’Arménie.
Site de l’éditeur
Les derniers bouquins que j’ai lu (3)
Fatale de Jean-Patrick Manchette
Comme le dit la quatrième de couverture, « c’est l’histoire d’un contrat inhabituel, dans une ville pourrie par le fric ». Ambiance sombre et maritime, une tueuse qui va saigner du bourgeois.
Page Wikipedia
Article intéressant sur Cairn.info
Critique sur Le tigre lit
Le roman adapté en BD
Le journaliste et militant communiste américain John Reed raconte la révolution bolchévique de l’intérieur. Passionnant.
Extrait sur marxists.org
Bien adapté au cinéma par Warren Beatty dans son film Reds sorti en 1981
Beau livre signé Le Chat Perplexe. L’histoire méconnu d’immigrés italiens, fuyant le fascisme et la misère, venus en Creuse tailler le granit pour la construction des pavés et trottoir de l’entre-deux guerres. Des photos et des témoignages d’époque ainsi que des descendants de ces ouvriers courageux.
Orhan Veli
Orhan Veli Kanik, né le 13 avril 1914 à Istanbul et mort le 14 novembre 1950 à Istanbul, est un poète turc, qui fut l’introducteur, avec Nazım Hikmet, du vers libre dans la poésie turque.
Editions Bleu Autour
Un article sur le site Kedistan
Passer le temps
Toutes ces belles femmes pensent
Que chacun de mes poèmes d’amour
Leur est destiné.
Malheureusement
Je sais bien que je les écris
Pour passer le temps.
Robinson
De tous mes amis d’enfance
Mon arrière-grand-mère est la plus chérie
Depuis le jour où nous avons inventé mille façons
De sauver le pauvre Robinson de son île déserte
Et pleuré tous deux
En voyant souffrir Gulliver
Perdu
Aux pays des géants
Quantitatif
J’aime les belles femmes
J’aime aussi les ouvrières
J’aime encore plus
Les belles ouvrières
Mes paroles
Je suis né en 1914,
J’ai parlé en 15,
Je parle encore.
Que sont devenues mes paroles ?
Parties au ciel ?
Peut-être reviendront-elles toutes
En 1939,
Transformées en avion ?
Si Allah existe
Je ne lui demande rien d’autre.
Cependant je ne souhaite
Ni qu’il existe
Ni l’avoir comme dernier recours.
En mal de mer
Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années,
Je regarde, regarde et pleure.
Je me souviens de mon premier regard sur le monde
A travers la coquille d’une moule :
Le vert de l’eau, le bleu du ciel,
Le plus moucheté des éperlans…
De la blessure ouverte sur une huître
S’écoule mon sang encore salé
.
Nous étions partis comme des fous,
Au large, vers l’écume toute blanche !
L’écume n’a pas le cœur méchant,
L’écume ressemble aux lèvres ;
Faire l’amour avec l’écume
N’est pas un péché pour l’homme.
Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années.
Cap sur la liberté
Avant la levée du jour
Quand la mer est encore blanche tu partiras.
Au creux des paumes la volupté d’étreindre les rames,
En toi le bonheur de réaliser quelque chose,
Tu iras.
Dans les remous des filets de pêche tu iras.
Surgissant sur ta route des poissons t’accueilleront,
La joie te prendra.
Tirant les filets,
La mer viendra dans tes mains écaille par écaille ;
A l’heure où se taisent les âmes des mouettes
Dans leurs rochers cimetières,
De tous les horizons brusquement
Un tumulte explosera.
Tout ce que tu voudras :
Sirènes, oiseaux, festivités, fêtes, fiestas ?
Cortèges, grains de riz, voiles de mariée, grand pavois ?
Ohéééé !
Mais qu’est-ce que tu attends ? Jette-toi à la mer.
Tu vas manquer à quelqu’un ? Peu importe.
Ne vois-tu pas la liberté de tous côtés ?
Sois voile, sois rame, sois gouvernail, sois poisson, sois eau,
Va jusqu’où tu pourras.
Gratis
Gratis, nous vivons gratis.
Air gratuit, nuage gratuit ;
Ruisseau, mont gratuits ;
Pluie, boue gratuites ;
Silhouettes des voitures,
Portes des cinémas,
Vitrines gratuites ;
Ni pain ni fromage mais
Eau amère gratuite ;
Liberté au prix de la vie,
Esclavage gratuit.
Gratis, nous vivons gratis.
Poème trou
Troué le gousset, troué le gilet,
Trouée la manche, trouée la chemise,
Troué le pan, troué le cafetan.
Tu es une vraie passoire, mon grand !
Les derniers bouquins que j’ai lus (2)
Pinar Selek – La maison du Bosphore
Livre envoûtant, une mélancolie lancinante typiquement méditerranéenne. Une soif de liberté qui transpire dans chaque page, dans chaque personnage. Mais en même temps une ambiance de fond très tendue et obscure car l’histoire de la Turquie des années 70-80 est très violente. Et cela perdure de nos jours. Pinar Selek en sait quelque chose. Accusée à tort d’avoir commis un attentat à Istanbul, elle vit avec les appels réguliers au tribunal pour un simulacre de jugement.
– Où es-tu née
– A Denizli
– Mais tu n’es pas de l’Est, de Dogubeyazit ?
– Ma famille vient de l’Est, comme de nombreux Kurdes. Mais avec l’émigration forcée, mon père a dû s’exiler à Denizli. Nous ne nous sommes jamais sentis chez nous. Les locaux ne nous acceptaient pas.
– Les locaux ? Mais qui est autochtone dans ce pays ? Tous les peuples ont migré, changeant sans cesse d’endroit. A Denizli, beaucoup de locaux sont grecs!
Vincent Piolet – Regarde ta jeunesse dans les yeux
Une enquête poussée et soignée sur l’histoire du début du hip-hop en France dans les années 80. Ainsi on comprend rapidement que les précurseurs du rap français ne sont pas les médiatiques Ntm, Assassin, Ministère Amer ou MC Solaar ; mais Dee Nasty, Lionel D, Nec+Ultra, New Generation MC, EJM, Destroy Man & Johnny Go… Tout une galerie d’illustres inconnus qui ont réellement construit ce mouvement avec peu de moyens mais une passion et une énergie débordante.
Wilhelm Reich – La révolution sexuelle
Certains diraient un classique du freudo-marxisme. Pour moi c’est un classique de la littérature révolutionnaire qui doit servir au prolétariat dans sa lutte pour l’abolition de la société de classe. Reich remet en cause la sainte famille que nous connaissons tous et qui engendre la répression sexuelle. La deuxième partie du bouquin traite de l’expérience de la révolution russe de 1917 et les conséquences pratiques sur la sexualité et la famille.
Un bon résumé sur Zones Subversives
Pier Paolo Pasolini – La longue route de sable
Un petit bouquin sympathique. Pour rejoindre Trieste de Ventimiglia, Pasolini ne va pas traverser les Apennins puis la plaine du Po, mais suivre la côte de toute l’Italie. Il observe et décrit des lieux, des personnages et des paysages à sa manière très poétique, parfois cinématographique.
Daniel Keyes
Deux bouquins à lire absolument. Deux classiques de Daniel Keyes, écrivain américain, diplômé en psychologie et professeur à l’université de l’Ohio.
« Des fleurs pour Algernon »
Ecrit sous forme d’un journal intime, le narrateur est un retardé mental qui va bénéficier d’un traitement expérimental pour développer ses capacités intellectuelles. Le traitement va fonctionner mais ne va pas durer, et le narrateur va se voir régresser.
« Les mille et une vies de Billy Milligan »
L’histoire vraie de Billy Milligan de son enfance à son incarcération, et la découverte par les médecins de sa maladie « le syndrome de personnalités multiples ». Battu et violé par son beau-père, Billy Milligan va développer 24 personnalités différentes en réaction aux situations douloureuses de sa jeunesse. Arrêté à la fin des années 70 pour viol, il est interné dans une prison-hôpital. Ecrit comme un thriller psychologique. Passionnant et fascinant.
Liens
Le site de Daniel Keyes
Article sur Le Monde
Pier Paolo Pasolini « Au prince »
Si le soleil revient, si le soir descend
si la nuit a un goût de nuis à venir,
si un après-midi pluvieux semble revenir
d’époques trop aimées et jamais entièrement obtenues,
je ne suis plus heureux, ni d’en jouir ni d’en souffrir ;
je ne sens plus, devant moi, la vie entière…
Pour être poètes, il faut avoir beaucoup de temps ;
des heures et des heures de solitudes sont la seule
façon pour que quelque chose se forme, force,
abandon, vice, liberté, pour donner un style au chaos.
Moi je n’ai plus guère de temps : à cause de la mort
qui approche, au crépuscule de la jeunesse.
Mais à cause aussi de notre monde humain,
qui vole le pain aux pauvres et la paix aux poètes.
1958
Extrait de :
Omar Khayyam, Robâiyat
Le mystérieux Omar Khayyam aurait vécu à Nichapur en Perse de 1048 à 1131. Il était mathématicien et astronome, mais aussi poète et philosophe. Ils exprimaient ses pensées dans des « Robâiyat », traduit en français par « quatrain ».
Omar Khayyam était croyant comme certains quatrains le prouvent, mais il avait une croyance bien à lui. Il n’hésitait pas à critiquer les dogmatiques et à remettre en cause les vérités établies, il exprimait des doutes, des questionnements, ce qui est intrinsèque à la méthode scientifique (normal pour un mathématicien astronome). Il était des fois rationnel et pessimiste et d’autres fois bucolique, mais surtout épris du vin dont il prônait dans beaucoup de quatrains la consommation.
Extrait de la présentation du bouquin :
La brièveté du quatrain lui confère un double avantage par rapport aux autres formes de la poésie persane :
1. Le poète étant tenu de présenter sa pensée dans un cadre limité, il l’exprime sans ambages, autrement dit sans avoir recours à ces recherches de style qui alourdissent fréquemment les œuvres poétique orientales. Cependant, l’allitération, le calembour et le jeu classique et quelque peu ardu qui consiste à réunir dans un distique ou même dans un vers les quatre éléments de la nature sont utilisés avec bonheur dans quelques quatrains. Ces procédés leurs assurent, sans conteste, une persistante popularité.
2. Facile à retenir grâce à sa concision, un quatrain est rapidement transmissible par voie orale, ce qui facilite sa propagation même dans les couches peu lettrées de la société.
Quant aux multiples thèmes développés dans les quatrains, ce sont à peu près les mêmes que ceux de la poésie classique persane : la vanité des choses de ce monde, l’inexorable fuite des jours, le caractère à la fois bref et fragile de la vie qui « n’est séparée de la mort que par l’espace d’un souffle », la prédestination à laquelle nul ne peut échapper, l’incapacité de l’homme à comprendre les mystères de l’au-delà, les tourments de la vieillesse, la mort qui nous réduit en poussière dont on se sert, par la suite, à « fabriquer des coupes et des cruches » ; ironie du sort qui favorise toujours les sots et les ignorants et contrarie les sages. Et comme pour contrebalancer cette vision pessimiste et somme toute désenchantée de la vie, il y a aussi un certain nombre de quatrains à caractère « bucolique » dans lesquels sont évoquées les beautés incomparables de la nature : les fleurs, les oiseaux, les ruisseaux, le vent printanier caressant les roses à peine écloses, la fraîcheur de l’aube, la douceur du clair de lune sont autant de thèmes qui servent de cadre ou de préambule à l’ivresse et à l’amour des femmes et des éphèbes,, plaisirs qu’accompagnent souvent les sons mélodieux de la flûte, du luth ou de la harpe. Le vin, prescrit comme un remède infaillible contre le chagrin, y occupe une place à part : non seulement il revient comme un refrain dans un grand nombre de quatrains, mais dans son Nowrouz Nâmeh même Khayyam n’oublie pas de vanter ses qualités : « Rien n’est plus salutaire aux hommes, écrit-il, que le vin, notamment celui tiré du bon raisin amer. Sa propriété est de bannir le chagrin et de rendre la joie au cœur. »
[…]
Khayyam eut tout particulièrement l’audace de traiter dans ses quatrains quelques thèmes « tabous », quelques paradoxes pour les musulmans qui risquaient fort de lui coûter la vie. Car n’oublions pas qu’il fut contemporain du théologien Abou Mohammad Ghazali dont l’œuvre à elle seule symbolise la victoire définitive de la religion musulmane sur la philosophie héritée des Grecs.
Au mépris des contraintes religieuses et sociales qui sévissaient à cette époque de fanatisme et d’obscurantisme où les moindres écarts aux conventions établies dans la société étaient taxés d’hérésie, il fut, en effet, le seul parmi les auteurs classiques de la littérature persane à se poser directement des questions sur le destin de l’homme et à émettre des doutes sur tout ce que l’on vénérait autour de lui. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quel est le but de notre séjour ici-bas ? Semble se demander sans cesse Omar Khayyam. Son courage fait l’admiration de tout le monde. « On est étonné de cette liberté absolue d’esprit, écrit Théophile Gautier dans L’Orient (paru à Paris en 1877), que les plus hardis penseurs modernes égalent à peine, à une époque où la crédulité la plus superstitieuse régnait en Europe, aux années les plus noires du Moyen Age. »
Une autre catégorie de quatrains nous révèle dans le même esprit certains aspects de sa philosophie du doute se rapportant directement à quelques dogmes de la religion islamique :
1. Si Dieu, après avoir créé le monde, y trouve des lacunes, à qui la faute sinon au Créateur lui-même ?
2. Si Dieu est miséricordieux, pourquoi fait-il peser ses menaces de punition sur les pécheurs ?
3. Si boire du vin est un acte illicite, pourquoi donc Dieu le créa-t-il ?
4. Pourquoi Dieu crée-t-il les belles choses et les détruit ensuite sans aucune raison apparente ?
L’ironie n’est pas absente dans les quatrains : elle frappe tout particulièrement les faux dévots à qui le poète reproche d’être ignares, avides, hypocrites et de dissimuler leurs turpitudes sous les apparences spécieuses.
Sélection de quatrains
Sur le temps qui passe :
21
Ceux qui ont cherché à suivre leurs penchants ici-bas
Ont quitté ce monde sans avoir comblé leurs désirs.
Tu t’imagines que tu vivras éternellement ;
Avant toi, eux aussi ont caressé la même chimère !
452
Ne vas pas croire que j’appréhende le monde.
Ou que je crains l’agonie et la mort.
La mort étant une réalité, je n’en ai cure.
J’ai peur de n’avoir pas bien vécu.
Sur la vanité :
224
Bien que l’argent ne soit point le capital des sages,
Ce monde est une prison pour ceux qui en sont démunis.
Main vide, la violette baisse la tête jusqu’au genou.
La rose est souriante grâce à sa bourse remplie d’or.
307
Quel est l’homme ici-bas qui n’a point commis de péché, dis ?
Celui qui n’en aurait point commis, comment aurait-il vécu, dis ?
Si, parce que je fais le mal, Tu me punis par le mal ;
Où est donc la différence entre Toi et moi ? Dis !
Sur le vin :
15
Le jour où le vin pur me manque,
Tout m’est poison même l’antidote.
Le chagrin du monde est un poison dont l’antidote est le vin.
Pourquoi craindrais-je le poison si je bois du vin ?
157
Je vais boire tant et tant de vin que l’odeur
En montera de ma tombe.
Et lorsqu’un buveur y passera,
Du seul parfum il tombera ivre mort !
Sur la religion et les religieux :
246
Si, à l’instar de la Providence, j’avais le contrôle de l’univers,
J’aurais anéanti celui-ci.
Et j’aurais bâti un nouveau monde
Dans lequel l’homme libre pourrait réaliser ses désirs aisément.
248
Les amoureux et les ivrognes, nous dit-on, iront en enfer,
C’est une affirmation erronée à laquelle on ne saurait ajouter foi.
Car si les amoureux et les ivrognes vont en enfer,
Demain tu trouveras le paradis plat comme le creux de la main !
502
Jusqu’à quand me blâmeras-tu, ô dévot rigoriste ?
Je suis libertin, fin pilier de cabaret, constamment pris de vin.
Toi, tu ne tiens qu’à ton chapelet, à tes fausses apparences, à ta ruse.
Moi, avec la coupe et la musique, je suis au comble de mon désir près de ma muse !
Liens
Articles et bibliographie sur Biblioweb
Articles intéressants sur La Revue de Téhéran
D’autres Robâiyat
Les derniers bouquins que j’ai lus (1)
« Bienvenue à Oakland », de Eric Miles Williamson
Voilà un bouquin qui m’a plu dès la première phrase : « Rien ne me rend plus heureux que de vivre dans un trou, et je dois dire que j’ai vécu dans des sacrés trous de merde ». Le style est libre, des fois vulgaire et argotique pour servir une rage omniprésente, une rage bien propre aux exploités. Les snobs et les bobos en prennent pour leur compte. Les anecdotes et les souvenirs se croisent et se mélangent les uns aux autres, l’auteur écrit comme il parle et surtout comme il pense. Ici y a pas de rêve américain mais la réalité puante du prolétariat. « Ce livre parle des gens qui travaillent pour gagner leur vie, les gens qui se salissent et ne seront jamais propres ». Il n’y a pas vraiment de fil conducteur, c’est un peu désordonné comme un environnement urbain, comme dans la ville d’Oakland, on va d’une friche industrielle à un quartier résidentiel, du port au centre-ville en passant par un ghetto. Ce bouquin est classé dans les romans noirs mais pour moi, il n’est pas sombre du tout, bien au contraire, certains passages sont très éclairants : « Un jour, j’irais à la fac, je me paierais une éducation, j’apprendrais des conneries de riches et j’utiliserais cette connaissance contre eux, je les écraserais de leurs propres conneries, je les enterrerais sous le savoir issu de leurs propres recherches et de leur propre expérience, sans oublier d’ajouter à la recette mes ingrédients personnels, Oakland style. Quand l’heure de la révolution sonnerait, je serais au front, sur les barricades, avec un lance-flammes et une massue dans les pattes, le visage défiguré par la sincérité. »
Des articles intéressants sur :
« L’élégance du hérisson », de Muriel Barbery
J’ai pas pris l’habitude de lire les livres à succès mais ma mère me l’a conseillé alors je l’ai lu car j’écoute ma maman. On entre dans le bouquin rapidement grâce aux chapitres très courts, c’est bien écrit, des fois un peu trop pédant à travers des termes inconnus (c’est l’occasion de dépoussiérer le dictionnaire). Les deux narratrices (la concierge de l’immeuble et la jeune fille issue d’une famille bourgeoise) sont intéressantes à lire, et l’arrivée d’un nouveau voisin japonais va mettre du piment dans leurs quotidiens. J’ai pris plaisir à lire ce bouquin réfléchi et drôle mais j’ai vraiment pas aimé la fin. Je vais pas vous spoiler alors à vous de juger.
« La tête en friche », et « 36 Chandelles », de Marie-Sabine Roger
Le titre du premier bouquin m’a rappelé les expressions de mon professeur de CM2 : « vous êtes des têtes en friche », « vous êtes forminable » (bien avant le chanteur à succès). On garde tous des souvenirs d’enfance joyeux dans lesquels l’insouciance permet d’apprécier ce que la vie nous donne. Quand on lit les livres de Marie-Sabine Roger, on remonte son niveau de bonne humeur et de positivité car l’humanité, dans ce qu’elle a de mieux (le partage et la solidarité), est retranscrite à chaque instant. Les personnages sont attachants car on se projette facilement en eux. Les récits sont bien goupillés et bien écrits. Deux bons bouquins à lire pour se changer les idées quand le quotidien devient trop lourd.
Articles intéressants :
« Le cavalier suédois », de Leo Perutz
« Ils s’étaient tenus cachés tout le jour et, à présent qu’il faisait nuit, ils traversaient une forêt de pins clairsemés. Les deux hommes, qui avaient de bonnes raisons d’éviter les rencontres, devaient veiller à ne pas être vus. L’un était vagabond, un maraudeur de foire réchappé du gibet, l’autre était un déserteur. » Il y a quelque chose de magique dans ce roman. Le fantastique se mêle au tragique et à l’émouvant. On suit facilement l’histoire de deux hommes, dans la Silésie du 18ème siècle, qui vont changer de vie, d’identité pour survivre. L’ambiance de fond est sombre comme un nuage chargé de pluie prêt à tomber à tout moment. Excellent bouquin.
Articles intéressants :