Pasolini – La religon de mon temps

Extrait :

Ici, parmi les maisons, les places, les routes pleines
d’infamies, de la ville où domine
désormais ce nouvel esprit qui offense

l’âme à chaque instant, – avec les dômes,
les églises, les monuments muets dans le mésusage
angoissé qui est l’usage des hommes

qui ne croient pas – je me refuse
dorénavant à vivre. Il n’y a plus rien
en dehors de la nature – où du reste n’est répandu

que le charme de la mort – rien
de ce monde humain que je puisse aimer.
Tout me fait souffrir : ces gens

qui suivent tête baissée le moindre appel
que leurs patrons veulent leur adresser,
adoptant, sans prêter garde, les plus infâmes

habitudes de victime désignée ;
le gris de leurs habits sur les routes grises ;
et leurs gestes gris où semble imprimée

la complicité muette du mal qui les envahit ;
leur fourmillement autour d’un bien-être
illusoire, comme un troupeau autour de trop peu de fourrage ;

leur régularité de houle, qui fait alterner
cohues et déserts dans les rues,
dans une série de flux et de reflux obsessionnels

et anonymes de nécessité rances ;
leurs agglutinements aux bars sombres, dans les cinémas lugubres,
le coeur lugubrement résigné à la banalité…